Portrait d’Emilie Klein, Ingénieure de recherche sur la plateforme observationnelle en sismo-géodésie au Laboratoire de Géologie de l’École normale supérieure
Emilie Klein est ingénieure de recherche au Laboratoire de Géologie de l’École normale supérieure (ENS - PSL / CNRS), une unité mixte de recherche composée de trois équipes de recherche : Failles & Séismes, Surface & Réservoir et Géodynamique & Structure. C’est au sein de cette dernière que travaille Emilie Klein.
Son parcours et ses fonctions
Après avoir fait les Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles de mathématiques supérieures et de mathématiques spéciales, Emilie Klein intègre l’École nationale des sciences géographiques. Au cours de sa formation elle choisit de se spécialiser en géodésie, la science destinée à l’étude de la forme de la Terre et de son centre de gravité. Elle découvre et s’intéresse alors plus particulièrement à une des applications de la géodésie, qui est l’étude des tremblements de terre grâce, notamment, aux techniques de géodésie spatiale.
En 2012 elle obtient une bourse de thèse qui lui permet d’intégrer l’École normale supérieure pour travailler sur un mégaséisme qui avait eu lieu au Chili en 2010. Elle soutient cette thèse intitulée Études des déformations post-sismiques après le séisme de Maule (Chili, Mw 8.8, 2010) : mesures GPS et modélisations visco-élastiques en éléments finis en 2015. Après avoir obtenu son doctorat elle rejoint l’Institut Physique du Globe de Strasbourg (aujourd’hui Institut Terre & Environnement) en post-doctorat pour 18 mois. Elle y travaille sur la faille nord anatolienne en Turquie pour étudier l’accumulation de déformation sur la faille dans la région de Marmara (face à Istanbul).
Elle se rend par la suite à San Diego pour un autre contrat postdoctoral à l’Institut océanographique Scripps et revient en France en 2018 afin de passer le concours d’Ingénieure de Recherche au CNRS. Dans le laboratoire, qui étudie la déformation de la Terre à toutes les échelles spatiales et temporelles, Emilie Klein gère les observations in situ réalisées dans le cadre de la plateforme observationnelle. Ses missions impliquent donc de se rendre sur différents chantiers du laboratoire afin de faire des observations et créer de nouveaux réseaux d’observation sismo-géodésiques. Au laboratoire, elle gère toute la partie traitement de données dans le but de fournir aux chercheurs des données nécessaires à leurs travaux et les conseiller pour leur exploitation. Les mesures GPS acquises peuvent alors être intégrées dans des modèles numériques 2D voire 3D dans lesquels on peut intégrer des paramètres précis pour étudier les tremblements de Terre ainsi que la réponse de la Terre. L’objectif est ensuite de comparer ces données numériques avec les données GPS recueillies sur le terrain.
Ses projets en cours
Depuis 10 ans, deux fois par an en moyenne Emilie Klein se rend pendant un mois au Chili pour déployer des stations GPS dans le désert d’Atacama qu’elle et son équipe laissent pendant quatre ou cinq jours avant de les récupérer pour les installer ailleurs et mesurer ainsi 30 ou 40 sites. Le zone est aussi équipée de stations permanentes qui permettent d’enregistrer des observations en continue. Emilie Klein et son équipe ont ainsi découvert l’existence de glissements lents, qui ont des caractéristiques très similaires aux séismes, sauf qu’ils ne génèrent pas d’ondes sismiques, et ne sont donc pas détectable par les sismomètres, mais uniquement par GPS. Ce travail encore en cours qui a commencé il y a 15 ans, a permis de caractériser dans la région un segment long et complexe qui pourrait être susceptible de produire prochainement un séisme majeur. Ces campagnes annuelles au long cours ont aussi l’intérêt de permettre aux scientifiques d’affiner l’estimation des vitesses intersismiques (phase d’accumulation d’énergie sur les failles) et ainsi d’identifier les zones à fort potentiel sismique. En outre, consciente des problématiques de diversité et de prévention des violences sexuelles et sexistes, notamment liées au terrain mais aussi au sein des laboratoires de recherche, en 2021 Emilie Klein a créé, avec des collègues, un groupe de travail sur le sujet. Pour commencer, le groupe de travail a mené une enquête et différentes actions pour améliorer les conditions de vie des agents du laboratoire. Cela a consisté, entre autres, à la création d’une charte qui a été adoptée par le laboratoire et le département de géoscience, à la mise en place de référents et des campagnes d’affichage.
En 2023 une deuxième enquête a été menée. Celle-ci a révélé une amélioration des conditions et une augmentation de la sensibilisation des sondés aux problématiques d’inégalité et à ses conséquences. Quand la première enquête avait révélé que les victimes ne savaient pas à qui s’adresser, la seconde révèle que les points de contacts sont désormais bien mieux identifiés. Le groupe travaille présentement sur la problématique de déséquilibre hommes-femmes au sein du laboratoire, en interrogeant le processus de recrutement puisque ce déséquilibre ne peut se justifier par le nombre de diplômés en doctorat qui est relativement paritaire.
Ce qu'elle apprécie dans son métier et les qualités nécessaires pour l'exercer
Ce qui intéresse Emilie Klein, en plus de l’analyse des données, c’est de faire du terrain et, de manière plus générale, toute la partie technique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle a fait une école d’ingénieure plutôt que l’université avant de passer son doctorat et qu’elle a préféré un poste d’ingénieure à celui de chercheuse. Elle estime que la compréhension des données est toute autre quand on est également la personne qui les a récoltés et traités. C’est selon elle ce qui facilite l’interprétation desdites données. Elle aime à la fois traiter la chaîne complète qui va du terrain à la modélisation des données, en passant par leur analyse, et la variété de ses missions entre le terrain et le laboratoire. Ces deux aspects ont d’ailleurs en commun selon elle de nécessiter de grandes qualités d’organisation. Au-delà du goût du terrain qui est indispensable pour mener à bien ses missions, elle souligne que, comme dans tout métier lié à la recherche, il faut par ailleurs savoir être inventif.