Quelle est la responsabilité des statistiques en temps de crise ?
Dans un contexte d’incertitude, les gouvernements utilisent les modèles statistiques pour prendre en urgence des mesures politiques qui affectent les conditions non seulement de vie mais aussi de mort. Une équipe internationale et interdisciplinaire, représentant les sciences humaines comme les sciences naturelles, vient de publier un article dans la revue Nature intitulé Five ways to ensure that models serve society : a manifesto. Elle y propose cinq principes pour un usage responsable de ces modèles et appelle non pas à mettre fin à la quantification, ni à adopter des modèles prétendument apolitiques, mais à opter pour une divulgation pleine et entière de leurs apports et limites.
Selon les sociologues Isabelle Bruno, maître de conférences et membre du Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales (CERAPS, UMR8026, CNRS / Université de Lille) et Emmanuel Didier, directeur de recherche CNRS au Centre Maurice Halbwachs (CMH, UMR8097, CNRS / EHESS / ENS Paris), « les hypothèses des modèles ainsi que leurs limitations doivent être discutées ouvertement et honnêtement. Les procédures et l’éthique sont aussi importantes que la prouesse intellectuelle. En fait, une bonne modélisation ne peut être effectuée par un bon modélisateur tout seul : c’est une activité sociale. Et c’est une activité politique, possiblement conflictuelle, comme l’atteste le mouvement français des statactivistes qui combattent certaines données chiffrées en leur opposant d’autres nombres ».