Portrait de Pierre-Emmanuel Allizon, chargé de pilotage à l'Ibens
Comment mener de front la gestion de 200 contrats de recherche ? Ce défi, Pierre-Emmanuel Allizon, chargé de pilotage à l'Ibens, le relève tous les jours et nous explique comment !
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Pierre-Emmanuel Allizon, je suis chargé de pilotage à l’Institut de biologie de l’École normale supérieure (Ibens, CNRS/ENS – PSL/Inserm).
Quel a été votre parcours ?
Mes études dans une école de commerce ne me destinaient pas forcément à rentrer au CNRS. Cependant, j’ai vécu une première expérience de gestionnaire dans les années 2000 dans un laboratoire CNRS, en chimie métallurgique, qui s’était plutôt bien passée. Après la fin de ce CDD, j’ai enchaîné les expériences de gestionnaire dans l’hôtellerie, dans une association de reclassement professionnel et chez un éditeur de logiciel de gestion de temps. Après quelques années de la sorte, j’ai ressenti le besoin de me recentrer et de faire un point sur ma carrière. Et c’est ainsi que je me suis rendu compte que là où ça s’était finalement le mieux passé, c’était au CNRS.
C’est pourquoi j’y suis revenu en septembre 2012, d’abord en qualité de contractuel au sein de l’Institut Pierre-Simon-Laplace, puis comme titulaire à l’Ibens après ma réussite au concours de gestionnaire en 2014.
Pourquoi avez-vous choisi le CNRS ?
Parce que j’ai le sentiment de faire un travail qui a du sens, où je me sens utile à la collectivité. Au CNRS, j’apporte ma modeste contribution, en facilitant la vie des chercheurs et des techniciens. Je ne trouverai pas, par exemple, un vaccin ou un nouveau carburant, mais je peux assister celles et ceux qui y parviendront.
Quelles sont vos missions et avec qui travaillez-vous ?
Je mets en place les différents contrats de recherche (ANR, ERC, etc.) sur les budgets de l’unité, soit plus de 200 contrats recherche en parallèle, qui durent entre trois et cinq ans, voire plus en cas de prolongations, à répartir entre les trois tutelles du laboratoire. Pour ce faire, je travaille évidemment avec l’ensemble des porteurs de projet de mon unité entre un et trois porteurs pour chacune des 30 équipes de recherche à l’Ibens. Je collabore également avec les responsables des plateformes et plateaux techniques de l’Ibens, dont je m’occupe de la refacturation interne. Enfin, je m’appuie sur les services Partenariat et valorisation, pour la partie contrats, et Financier et comptable, pour le versant audit, de nos différentes tutelles et sur la direction de l’Ibens pour les budgets.
Comment s’organise-t-on pour gérer autant de contrats ?
Tout d’abord nous avons la chance d’être une équipe soudée à l’Ibens, de manière à nous répartir le suivi de l’unité. Nous sommes organisés par pôle de compétences, avec une équipe Dépenses de quatre personnes, un pôle Missions de deux agents, un pôle Ressources humaines de deux autres et une personne dédiée au cartes monétiques et aux inventaires. Enfin, ma collègue et moi-même formons le pôle Administration, plateformes et ressources communes.
Malheureusement, l’organisation est majoritairement subie et consiste trop souvent à gérer les urgences. Nous travaillons avec des publics de chercheurs très différents : certains font l’effort de suivre leurs crédits, quand d’autres laissent l’intendance suivre… Il faut ainsi régulièrement rappeler qu’une personne ne peut être embauchée ou prolongée dès le lendemain de la réception d’une ANR, parce qu’il faut attendre au moins trois mois avant toute contractualisation, et ce quel que soit la tutelle. J’aimerais sensibiliser davantage nos chercheurs à la bonne gestion financière, mais eux comme moi manquons de temps pour le faire.
Il est en outre délicat de passer d’une tutelle à l’autre, d’un outil de gestion à l’autre, sachant que ces derniers ne se parlent pas entre eux. Il faut ainsi pratiquer une véritable gymnastique intellectuelle pour déterminer non pas ce que le logiciel me montre, mais ce qu’il ne me montre pas. Par exemple, certains logiciels ne permettent pas les réservations de crédits pour l’embauche de personnels, de sorte que le montant « disponible » affiché par le logiciel est faux. Il faut donc mettre en place un suivi personnalisé. En résumé, il est bon de noter et centraliser toutes les informations sur un dossier dont on dispose.
Qu’aimez-vous le plus dans votre travail ?
Malgré tout, j’aime bien le côté « Shadoks » de mon travail : cela a beau ne pas être idéalement organisé, il faut continuer à pomper pour avancer ! Car le but visé reste de faire gagner du temps à des chercheurs brillants pour leur permettre de se concentrer sur leur cœur de métier : faire de la recherche. En parallèle, rappeler à certains que nous gérons des deniers publics – et que cela implique le respect de certaines règles.
Quelles sont selon vous les qualités requises pour être gestionnaire ?
Le gestionnaire est une courroie de transmission entre les chercheurs, les fournisseurs, les tutelles et parfois les financeurs. Il faut donc avoir une certaine souplesse pour ne pas gripper la machine, sans être trop lâche pour garder une certaine cohésion de l’ensemble. Ce qui implique souvent de faire preuve de créativité pour réconcilier les besoins des chercheurs avec le cadre réglementaire et les ressources disponibles.
Pour le pilotage, cela nécessite d’avoir une vision du détail et du général, à court et à long terme. De pouvoir traiter l’information par contrat, par équipe, par tutelle et en global pour l’institut. De débloquer les paiements du jour tout en conservant les ressources pour l’avenir.
Enfin, garder un peu d’humour aide à désamorcer des situations tendues et à prendre du recul lorsque des situations complexes se présentent.