Portrait de Laure Lecoin, ingénieure de recherche CNRS et vétérinaire au Cirb

Interview Biologie

​Laure Lecoin, ingénieure de recherche CNRS et vétérinaire, partage son parcours et son rôle essentiel au Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (Cirb). Elle nous plonge dans son quotidien où elle combine la science, les soins aux animaux de laboratoire et la gestion sanitaire. ​​

​​​Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Laure Lecoin, je suis ingénieure de recherche CNRS et vétérinaire au Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (Cirb, CNRS/Collège de France/Inserm).

Quel a été votre parcours ?

Mon intérêt pour l’animalerie est ancien. Il remonte à mon cursus d’élève à l’école vétérinaire de Nantes, dont je suis sortie diplômée en 1990. AU cours de ces études, j’ai suivi un stage de six mois, en 1990, dans un laboratoire de recherche à Nantes, durant lequel j’ai découvert le milieu scientifique.
Cette expérience m’a conduite à une thèse en biologie du développement au Collège de France, au sein du laboratoire de Nicole Le Douarin, à Nogent-sur-Marne, que j’ai soutenue en novembre 1995. J’ai poursuivi mes recherches au travers d’un contrat post-doctoral en 1996 à Dallas où, dans la continuité de ma thèse, j’étudiais un gène propre aux oiseaux, qui détermine la couleur de leur plumage.
Je suis ensuite revenue en France, après avoir passé en 1999 un concours d’ingénieure d’études au CNRS, à l’institut Curie à Orsay. Pendant de longues années, j’y ai étudié le développement de souris génétiquement modifiées. J’ai poursuivi l’étude de ces mutants dans un laboratoire CNRS de Gif-sur-Yvette, au sein duquel j’ai pu identifier des neurones responsables des apnées chez des souriceaux. Ce travail a fini par être publié dans Nature Communication en 2022​.
 

Pourquoi avoir choisi le CNRS ?

Le CNRS représente à mes yeux l’organisme de référence pour faire de la recherche, grâce à la grande liberté qu’il laisse pour collaborer avec des équipes de recherche de domaines différents, à la richesse des échanges entre laboratoires et à la relative facilité de la transversalité.

Quelles sont vos missions et avec qui travaillez-vous ?

Au cours de mon travail sur le développement murin, je me suis rendue compte qu’il existe une population de neurones qui exprimait le gène qui m’intéressait et qui était impliqué dans la régulation veille/sommeil. C’est pourquoi j’ai rejoint le Cirb en mai 2020, après le confinement, où je travaille aux côtés d’Armelle Rancillac, scientifique spécialiste du sommeil.
Très concrètement, j’enregistre de manière non-invasive le sommeil de souris adultes, posées sur des plaques qui déterminent et quantifient l’état de leur sommeil.
 

Pouvez-vous nous présenter spécifiquement votre mission de vétérinaire et le poids qu’elle représente dans vos journées de travail ?

En 2021, on m’a demandé de prendre en charge la mission de vétérinaire spécifique au Cirb, en remplacement de la précédente vétérinaire de l’Inserm, afin d’assurer un travail au plus près du laboratoire. Le Cirb possède une petite animalerie, surtout composées de rats et de souris – 10 000 souris par an pour 300 lignées génétiquement modifiées – et de quelques poissons d’élevage.
C’est aujourd’hui un poste qui m’occupe à mi-temps, qui consiste en deux principaux aspects : prendre soin des animaux et mener des actions prophylactiques. Pour le soin aux animaux, disposer d’un vétérinaire interne est plus simple que d’en faire venir un de l’extérieur. Je peux en effet administrer des solutions plus rapidement, aussi bien des médicaments, des traitements, voire les euthanasier quand aucun traitement n’est possible.
Je m’assure également du statut sanitaire des animaleries pour prévenir toute maladie infectieuse. Pour ce faire, j’organise des contrôles sanitaires de l’animalerie tous les trois mois, au cours duquel toute une batterie de tests sur d’éventuels agents pathogènes sont effectués avant transmission pour analyse à un laboratoire de référence. Pour veiller au mieux au bon état des animaux, je conduis en outre des réunions toutes les semaines avec les équipes de l’animalerie.
En parallèle, je conseille les utilisateurs de l’animalerie en matière de chirurgie et d’opération pour favoriser le bien-être animal. Pour dispenser de tels conseils, je mène en amont une veille sur les procédures règlementaires pour suivre les améliorations et protocoles alternatifs en matière de bien-être animal et suggérer de les intégrer aux projets de recherche.
 

Qu’aimez-vous le plus dans votre travail ?

J’apprécie de combiner les approches scientifique et de fonction support. Leur complémentarité m’offre une meilleure compréhension des besoins des chercheurs et de la faisabilité de l’évolution des protocoles qu’on leur propose. Un vétérinaire qui n’aurait que cette fonction-là aurait sans doute plus de difficultés à proposer aux scientifiques des solutions adaptées, car il est nécessaire de posséder une bonne connaissance de la recherche pour mettre en œuvre les protocoles et de conseiller de manière plus utile les scientifiques.
En outre, en tant que vétérinaire, je porte un regard différent sur les animaux. Très souvent, les scientifiques les prennent comme modèles pour étudier les pathologies humaines. Pour ma part, je pratique une recherche centrée sur les animaux, c’est-à-dire que je les étudie pour ce qu’ils sont, avec leurs spécificités physiologiques, sans vouloir nécessairement plaquer une vision et une finalité humaines à leur égard. Il s’agit là d’une spécificité française depuis Louis Pasteur, dont l’équipe comptait déjà plusieurs vétérinaires.
 

Quelles sont selon vous les qualités requises pour être vétérinaire en laboratoire ?​

Je dirais tout d’abord qu’il faut avoir survécu aux écoles vétérinaires et à leurs concours d’entrée !
Autrement, ce sont les mêmes qualités que pour la recherche, notamment la curiosité. Il faut néanmoins se montrer très à l’écoute de tous les membres du laboratoire de recherche, aussi bien des scientifiques, des animaliers, qui sont des prestataires extérieurs, que des animaux, et savoir savoir prendre le temps nécessaire pour chacun.