Dynamique spatio-temporelle des réservoirs magmatiques en Dominique
Les réservoirs magmatiques sont désormais vus sous un nouveau paradigme, celui d’un système magmatique transcrustal pouvant être remobilisé ponctuellement avant une éruption. Pour arriver à cette nouvelle vision, des chercheurs de l'Institut des sciences de la Terre Paris (ISTEP, CNRS/Sorbonne Université) notamment ont combiné l’analyse statistique de la composition des orthopyroxènes (opx) et des verres (inclusions et matrice) et l’estimation des échelles de temps des processus enregistrés par les opx, par diffusion intracristalline du Fe/Mg. Cette approche permet de retracer la dynamique spatio-temporelle pré-éruptive du système d’alimentation.
Cette démarche intégrative a été appliquée à deux éruptions ignimbritiques de Dominique (Petites Antilles) : Layou (~51 ka) du Morne Diablotins et Roseau (~33 ka) du Morne Trois Pitons-Micotrin (Figure 1). Ces magmas sont stockés à 12-16 km de profondeur (Figure 2). Pour Roseau, deux environnements magmatiques ont été identifiés (Figure 2A, B). Les opx ont enregistré une zonation majoritairement inverse, indiquant une interaction entre les deux magmas stockés séparément. Pour Layou, trois environnements magmatiques ont été identifiés, attribués à deux réservoirs séparés, dont l’un zoné thermiquement (Figure 2C, D). La zonation normale enregistrée par les opx est interprétée comme issue d’un mélange convectif dans le réservoir zoné, alors que la zonation inverse, majoritairement présente, suggère un mélange avec un magma plus chaud, stocké dans une autre partie de la croûte. La composition des verres permet de corroborer l’hypothèse d’un mélange simultané entre différents magmas comme processus mobilisant le magma dans la croûte. Les échelles de temps associées à ces processus ont été modélisées sur 66 cristaux d'orthopyroxènes zonés, à 850±25°C. Les réservoirs magmatiques de Layou et Roseau ont été réchauffés de ~50°C, 10 ans avant l'éruption par l'injection d'un magma plus chaud présent dans la croûte. Ainsi, les magmas siliceux, même stockés en profondeur dans la croûte peuvent être remobilisés sur quelques années, comme suggéré pour les volcans de Santorin et Taupo.