Son parcours
Daphnée Raffini s’est très tôt intéressée au droit, qu’elle définit comme un « pilote sociétal qui permet de comprendre les Etats dans lesquels les individus évoluent et, plus largement, les interactions sociales et/ou institutionnels du monde dans lequel nous vivons ». Ainsi, après l’obtention d’un un Master II en Droit Communautaire et Européen à l’université Panthéon-Sorbonne, elle a d’abord travaillé au Centre de droit communautaire et européen de cet établissement tout en y accompagnant les étudiants en droit du 1er cycle afin de les sensibiliser aux problématiques et à la méthode juridiques. Elle a, ensuite, œuvré pour le compte d’institutionnels, à l’instar du Conseil de l’Europe, de la Commission européenne ou du ministère de l’Intérieur français, via la production de rapports en droit comparé qui avaient pour objet d’étudier et, in fine, de faire évoluer les pratiques et législations d’Etats ou d’Institutions aux plans national et/ou européens sur des sujets divers.
C’est finalement par hasard qu’elle rejoint le CNRS fin 2004 pour y découvrir le multivers scientifique à travers la fonction d’ajointe au Service Partenariat et Valorisation de la délégation Paris Michel Ange. Happée par la richesse de cet écosystème de la recherche scientifique et son ouverture sur le monde, elle y passe le concours de juriste du CNRS deux ans après, pour finalement prendre la direction de ce Service Partenariat et Valorisation à compter de 2007. Il faut dire que sa rencontre avec les scientifiques a été un véritable catalyseur quant à l’importance de défendre une recherche libre dans les affaires du monde. Elle voit en outre son intégration au CNRS comme une opportunité de rejoindre l'une des administrations les plus compétentes dans la compréhension des problématiques juridiques en recherche, une administration, du reste, capable de se renouveler au gré de l’évolution des enjeux scientifiques et/ou sociétaux.
La création du Pôle Innovation
C’est en 2012 que le physicien Mathias Fink, fondateur et ex-directeur de l'Institut Langevin, invite Daphnée Raffini à intégrer son laboratoire pour mettre en place une stratégie de valorisation de haut niveau dans le cadre du Labex Wifi (Laboratoire d’Excellence pour le projet Waves and Imaging : From Fundamentals to Innovation). L’enjeu était, après accord des tutelles de l’Institut, de tester un nouveau modèle afin de porter au meilleur niveau les innovations issues de recherches souvent très fondamentales de ce laboratoire. Malgré l’appétence de certains chercheurs du laboratoire pour la création d’entreprise1, le défi résidait dans l’élaboration d’une véritable stratégie d’innovation capable d’optimiser le transfert de technologie entre des mondes qui avaient souvent du mal à se comprendre, celui de l’administration, celui des scientifiques et celui de l’entreprise.
Daphnée Raffini a ainsi mis en œuvre une innovation organisationnelle et de service au sein du laboratoire à travers la création du Pôle Innovation. L'ambition sous-jacente était de contribuer à la construction du monde de demain via la capacité de ces scientifiques à innover et/ou à offrir des technologies nouvelles à haute valeur ajoutée pour répondre aux grands enjeux sociétaux. Pour ce faire, il convenait d’accompagner les scientifiques à travers la définition d’une stratégie d’innovation qui soit conforme aux aspirations des chercheurs, en les sensibilisant dans le même temps à la création d‘entreprises, tout en favorisant également les interactions entre le monde de la recherche, de l'administration publique et des industriels.
Grâce à ce pôle, 8 entreprises2 ont été créées entre 2014 et 2021, sans compter les deux startups qui verront le jour dans le courant de l’année 2024. De plus, l’institut protège chaque année entre 10 à 15 brevets. Cette stratégie s’est aussi avérée payante dans la mesure où entre 2017 et 2023, 90% du portefeuille de brevets du laboratoire a fait l’objet d’une valorisation par une entreprise ou une startup. Sans oublier le nombre exponentiel de doctorants qui rejoignent les startups déjà créées ou qui souhaitent se lancer eux-mêmes dans une aventure entrepreneuriale.
Daphnée Raffini explique à cet égard que le conseil revêt une importance cruciale au sein de cet écosystème complexe où l'obtention de financements peut se révéler ardue et où les règles changent constamment. De plus, les périodes de maturation, notamment dans le domaine de la physique des ondes, sont particulièrement étendues. Elle rappelle par ailleurs que l’enjeu n’est pas seulement la création d’une entreprise, mais également sa pérennité. Il faut donc créer l’entreprise au moment opportun mais hélas, les faibles montants en pré-maturation les obligent encore trop souvent à constituer les entreprises trop tôt. A ce titre, son expertise est particulièrement bénéfique. D’autant que la valorisation et l’innovation font, comme elle le souligne, partie intégrante des missions des chercheurs.
1 5 entreprises créées entre 1999 et 2012 : Echosens, Sensitive Object, Super Sonic Imagine, TRCOM et LLtech
2 Cardiawave (2014), Greenerwave (2015), Iconeus (2016), Abbelight (2016), LightOn (2016), Myriade (2017), SharpEye (2020), Austral Dx (2021)
Ce qu'elle apprécie dans son métier et les qualités nécessaires pour l'exercer
En plus de la part de challenge qui fait partie de son quotidien, Daphnée Raffini apprécie particulièrement l’évolution continuelle de ses missions et la profonde liberté dont elle dispose, ce qui lui permet de se réinventer sans cesse. Elle souligne par ailleurs que son travail est avant tout le résultat d’une confiance mutuelle et d’une émulation avec les scientifiques. Ces derniers se montrent toujours curieux à l’égard de ces missions, ce qui donne lieu à des échanges enrichissants dans lesquels Daphnée Raffini apprend d’eux autant qu’ils apprennent d’elle.
Il est ainsi essentiel pour elle de savoir travailler en réseau, avec un management qu’elle préfère à l’horizontal. Ce travail en réseau implique notamment une ouverture sur l’autre pour parvenir à comprendre ses objectifs et réussir à le sensibiliser à ses propres enjeux. Daphnée Raffini rappelle également que la créativité est au cœur de son métier. C’est en effet l’innovation qui permet de s’adapter et de gérer l’incertitude. Elle note d’ailleurs à ce propos que, de par leur métier, les scientifiques ont cette aptitude naturelle à savoir gérer l’incertitude, un atout essentiel pour innover !